Ci-gît Margot
Après avoir vécu deux fausses couches
consécutives, Marielle Giguère a entamé une réflexion et un processus
d'écriture qui ont culminé avec Ci-gît Margot, un roman dans lequel les
expériences de l'autrice se mêlent à la fiction. Étonnée et ébranlée par
l'absence presque totale de ce sujet dans la fiction québécoise, elle a pris le
pari d'affronter les tabous, de nommer l'innommable et de plonger, mot après
mot, page après page, au cœur de la vie, avec ses parts d'ombre et de lumière.
Si le sujet est dur, l'écriture de Marielle Giguère est claire et limpide. Sans
détour et avec une plume alerte et assumée, elle nous entraîne dans une
histoire bouleversante, en libérant une parole trop peu entendue, celle des
femmes en colère, celle des mères qui font face aux violences médicales, celle
des familles qui doivent subir et accompagner ces traumatismes.
Je ne me souviens pas d’avoir
lu un livre où l’on parlait ouvertement des femmes et de leurs fausses couches.
Le sujet m’a interpellée et j’avais le goût de découvrir si les émotions qu’a
ressenti (et ressent encore) Marielle allait toucher ma petite corde sensible
et venir faire écho à mes propres émotions!
Son linceul est doux. Elle est
accompagnée de moutons qui dorment sur des nuages, ça me rassure. Elle n’est
pas toute seule. Mon amoureux la prend dans ses bras. Il est décontenancé et
triste. Il se demande si la mort-naissance de Margot fait de lui un père.
L’auteure aborde le sujet avec authenticité. Son écriture est sans flafla et va directement au sujet, et ce, sans détour. Elle ne mâche pas ses mots lorsqu’elle nous parle de Céline, celle qui lui a enlevé sa petite Margot. Les mots sont durs et emplis de colère… mais à la fois si appropriés et justifiés. Comment ne pas être en colère face à l’impardonnable?
Les chapitres sont courts, le récit l’est également, mais pourtant la profondeur du témoignage ne peut faire autrement que de venir nous bouleverser. C’est dur, brusque et chaque mot est empreint d’une émotion vive.
Je dois avouer que les
larmes me sont venues aux yeux lors d’une scène très touchante vers la fin de
son témoignage. J’ai dû déposer le livre quelques instants pour calmer les
vives émotions que je ressentais. Marielle a su trouver les mots exacts pour
décrire les émotions que je ressentais autrefois, et encore aujourd’hui, en
pensant à mon petit ange.
Cependant, cette année, le calendrier
nous emporte avec lui, malgré nous, et je ne sais pas où placer la mort ni
comment la vivre dans cet être-ensemble qui n’a plus assez de repères pour en
parler.
Au-delà du témoignage de
ce qu’a vécu Marielle, il y a aussi ceux des autres femmes de son entourage. Au
fil des générations, l’on constate à quel point il était, et est, encore
difficile d’accorder à la femme qui perd son bébé, le temps pour vivre ses
émotions et tenter de vivre avec l’inacceptable. Car peu importe les
événements, à mes yeux, il est impossible d'accepter sans broncher de perdre
une partie de soi.
À la fin, on constate que la mort n’a
pas de sens, sinon dans tous les bras qui s’ouvrent grand d’amour pour partager
la douleur.
Commentaires
Publier un commentaire