Les heures parallèles
Je dois vous avouer que je ne sais pas du tout comment débuter cette chronique... et que je n’ai aucune idée comment elle va se terminer. Tout ce que je sais, c’est que je verserai plusieurs larmes en écrivant.
En premier lieu, je tiens à préciser que je tenais mordicus à lire ce roman suite à la lecture du synopsis. Je ne connaissais pas la plume d'Ariane Bessette et je voulais savoir si l’auteure avait les mots justes pour décrire avec efficacité le quotidien de Marion.
Au cours de ce roman, l’auteure a pris la décision de scinder le récit entre Bill et Marion. Je m’attendais à une division équilibrée du récit entre les deux protagonistes. Ce qui n’est pas le cas. En fait, nous suivons essentiellement le parcours de Bill. Cet homme au lourd passé dont le chemin croisera celui de Marion. Quelques chapitres seulement seront dédiés à Marion, mais la profondeur qu’on y trouve va vous surprendre.
Cette Marion vient tout
juste d’arriver dans le quartier avec son amoureux. Jean-François est un avocat
réputé et il est si gentil avec Marion. Ensemble, c’est le parfait bonheur.
Peut-être trop parfait? Insidieusement, Jean-François pose des commentaires,
des suggestions, mais toujours dans le but de manipuler sa conjointe. Ils sont
dans une parfaite symbiose, il est donc normal de vouloir plaire à son amoureux
non? Ces mots prennent une toute autre signification lorsqu’on prend du recul!
Je te veux à moi, Marion. Je suis all
in. Je veux que tu le saches. Qu’on soit sur la même longueur d’onde. Tu peux
plus te débarrasser de moi.
Mais au fil du temps, Marion
se sent de plus en plus sous pression. Elle marche sur des œufs ne sachant pas
si ce qu’elle dit ou fait sera à la hauteur des attentes. Et puis viendra le
moment fatidique où la suggestion et le commentaire ne sont plus de mise. À l’isolement
et la violence psychologique, viendra s’ajouter la violence physique. Apparaît donc cette fameuse question : Quand tout cela a-t-il réellement commencé? Une
question qui revient et revient constamment dans les pensées de Marion, mais
qui est si présente lorsqu’on a vécu la violence conjugale. Comment se fait-il
que l’on n’ait pas vu les signes plus tôt? Et cette honte qui nous suit
constamment, l’on n’ose même plus se regarder dans le fond des yeux. Que diront
les voisins, les amis, notre famille?
Bill ne reconnaît plus sa voisine. En fait, il voit dans son regard et ses épaules voutées, une image qu’il connaît bien. Celle de sa mère! Il se doute bien de ce que doit vivre cette jeune femme, mais lui-même a un lourd passé. Il connaît bien la violence et il avait tout fait pour l’oublier, mais voilà que cette rencontre avec une voisine viendra tout bouleverser. Un jour, il se rend compte qu’il ne voit plus Marion. L’inquiétude est bien présente maintenant. Il décide d’agir, mais est-ce qu’il sera trop tard?
Cela m’a pris plusieurs jours pour venir à bout de ma lecture et ce n’est pas dans mes habitudes. Chaque fois que je lisais un passage où l’auteure nous dévoilait les pensées de Marion, je me devais de faire une pause. Il ne pouvait en être autrement puisque j’étais bouleversée, émue aux larmes. Mon passé, si récent, revenait me hanter la nuit.
Cela fera bientôt cinq ans que j’ai créé mon blogue et depuis, je me suis très peu dévoilée. Étant de personnalité introvertie, j’ai tendance à garder ma vie secrète. Mais si aujourd’hui je laisse sortir un tout petit peu les secrets de ma vie privée, c’est que je me suis reconnue lorsque je lisais cette Marion si troublée, épuisée et honteuse de sa vie. Cette Marion, c’était moi, il n’y a pas si longtemps! En pleine reconstruction de mon estime, j’espère un jour retrouver cette joie de vivre qui me caractérisait autrefois.
Alors à la question,
est-ce qu’Ariane Bessette a trouvé les mots justes pour décrire les émotions
que ressentait Marion? Tout à fait! Cela en est même troublant. Marion est si
authentique et d’un réalisme incroyable.
J’écris contre le silence qui lorsque
brisé mène à pire qu’hier. «Écrire, c’est aussi ne pas parler. C’est se taire.
C’est hurler sans bruit» disait Marguerite Duras. Moi je hurle sans bruit car
hurler est impossible, car hurler est vain et que la voix manque.
Le seul bémol que je
retiendrai c’est que j’aurais aimé avoir accès aux pensées de Marion plus
souvent au cours de ma lecture. Mais d’un autre côté, j’ai trouvé tellement
intéressant de découvrir l’impact de la violence conjugale sur un enfant. Cet
impact qui aura suivi Bill tout au long de sa vie.
Et la violence se multiplie, des
rhizomes innombrables, elle germe dans ceux qui la subissent, ronge ceux qui en
remarquent les vestiges, tache la peau de ceux qui ne connaissent d'autre solution
qu’elle.
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